Théo a treize ans quand il perd sa mère Audrey lors d'un attentat au Metropolitan Museum où ils admiraient une exposition. L'adolescent blessé en réchappe parce qu'il s'était éloigné pour suivre une petite rousse belle et fragile.
Alors qu'il tente de sortir de cet enfer, le vieux monsieur qui accompagnait Pippa lui confie une bague et le prie de se rendre auprès de son associé Hobbie, antiquaire à Greenwich Village. Il lui demande également de sauver le tableau qu'ils admiraient juste avant l'explosion. Sans réfléchir, Théo suit ses instructions. Plus tard, il réaliste la gravité de son geste.
Théo est un orphelin. Il se cherche une famille de remplacement tout en souffrant de troubles post-traumatiques. Il est « aidé » par des services sociaux et un psychologue peu crédibles.
Il sera recueilli un temps chez les Barbour et son ami Andy ; une famille en apparence riche et parfaite de la bonne société new-yorkaise. Puis tout d'un coup, son père qui les avait abandonné Théo et sa mère, se manifeste et l'emmène avec lui à Las Vegas où finalement il sera livré à lui-même. Ce père joueur, organisateur peu doué de paris sportifs, drogué, alcoolique, tente de se racheter auprès de son fils tout en ayant une idée derrière la tête : profiter du pécule thésaurisé par Audrey pour les études de son fils.
Là encore, Théo ne trouve pas sa place. Il se fera un ami de Boris, enfant russe tout aussi seul et parfois battu par son père. A 14 ans, il a déjà tout vu, vécu partout dans le monde et rien ne lui fait peur. Tous les deux, totalement désœuvrés, vont se perdre dans l'alcool et les drogues. Boris est débrouillard, écorché vif, bavard comme une pie survitaminée, mais comme Théo, bien attachant.
Après le décès de son père, Théo revient à New-York et s'installe chez Hobbie. Il découvre l'art de la restauration de meubles anciens. Et de temps en temps comme ses pensées revenant sur la disparition de sa mère, Théo admire le tableau, son trésor caché. Il y est attaché et ne peut s'en éloigner. Comme ce petit pioupiou de Fabritius, attaché à la patte. Ce tableau comme seul ancrage stable dans la vie de Théo. La justesse d'une assise qui me rassurait
dit-il. Comme l'oiseau, Théo s'envole mais jamais bien loin. La chaîne à la cheville de l'oiseau, ou que je songeais combien la vie de cette petite créature, battant brièvement des ailes puis toujours forcée, sans espoir, d’atterrir au même endroit, avait dû être cruelle.
La vie de Théo, avec son lourd secret, sera mouvementée entre mensonges, drogues, troubles post-traumatiques, son amour contrarié pour Pippa, trafics d’œuvres d'art.
Tout aurait été parfait sans toutes ces longueurs à n'en plus finir qui alourdissent le roman au propre comme au figuré. Tous ces détails partout sont, à mon sens, inutiles. Sans compter ceux que parfois l'auteur rajoute entre parenthèses comme des apartés, des réflexions sorties de la tête de Théo. Il n'était pas nécessaire de savoir ce que font les voisins quand ils rentrent chez eux alors que Théo, blessé, attend, espère le retour de sa mère après l'attentat du Met. Pas nécessaire non plus de lister presque ad nauseam tous les meubles et antiquités stockés dans la boutique et l'atelier de Hobbie ou bien toutes les substances étranges ou médicaments ingurgités par Théo et Boris. Encore moins contenu du sac à main de Kitsey, la future fiancée du héros, fille des Barbour.
Bref, ce roman aurait pu être un bon moment de lecture, de belles retrouvailles avec cet auteur qui m'avait épaté avec son Maître des illusions ou bien Le petit copain. Mais l'auteur m'a très rapidement perdue avec ses longueurs où elle noie son intrigue qui somme toute tient sur une carte de visite : un adolescent souffrant de troubles post-traumatiques (certes on compatit), perdu entre l'adolescence et l'âge adulte, sans cadre parental fiable, une personnalité qui se cherche par forcément sur les bons chemins. Le lecteur y a perdu les idées de départ de l'auteur : cette société américaine toute en apparences, l'influence des œuvres d'art sur nos vies, peuvent-elles nous apprendre à gagner en humanité et changer notre âme ? (dixit l'auteur lors de son passage à l'émission La Grande librairie du 9 janvier dernier). De plus, on en apprend peu sur le peintre de ce si beau et touchant Chardonneret.
Finalement, il n'y a que l’œuvre de Fabritius a avoir retenu mon attention, m'évitant l'abandon total à de nombreuses reprises. C'est mieux que rien.
Mais bon, attendre dix ans pour ce résultat décevant, par ailleurs présenté comme un chef-d’œuvre par la critique ! J'ai du mal à comprendre. Par chance, J'ai dix ans pour m'en remettre.
Du même auteur : Le maître des illusions
Dédale
Extrait :
Comment faire pour tout remettre en ordre ? Impossible. En un sens, Boris m'avait rendu service en emportant l'objet – au moins, je savais que la plupart des gens le verraient comme ça ; j'étais tiré d'affaire ; personne ne pourrait m'accuser ; la plus grande partie de mes problèmes avait été résolue d'un seul coup, mais tout en sachant qu'une personne saine d'esprit serait soulagée de ne plus avoir le tableau sur les bras, je ne m'étais jamais senti aussi brûlant de désespoir, de haine de moi et de honte.
Boutique chaude et ennuyeuse. Impossible de rester tranquille ; je me levais et m'asseyais, marchais jusqu'à la fenêtre puis revenais. Tout était imprégné d'horreur. Un Pierrot en biscuit me regardait avec dépit. Même les meubles avaient un air maladif et disproportionné. Comme avais-je pu me prendre pour un être meilleur, plus sage, plus éminent, précieux et digne de vivre parce que j'avais un secret caché dans le nord de la ville ? Pourtant c'était ce que j'avais fait. Le tableau m'avait donné la sensation de ne pas être un simple mortel, de ne pas être ordinaire. C'était à la fois un soutien et une revendication ; une nourriture et un tout. C'était la clé de voûte qui avait maintenu toute la cathédrale. En le voyant disparaître sous moi, c'était terrible d'apprendre que, toute ma vie d'adulte, j'avais été nourri en privé par cette grande joie caché et sauvage : la conviction que ma vie entière tenait en équilibre sur un secret qui pouvait la faire exploser à n'importe quel moment.
Le chardonneret de Donna Tartt - Éditions Plon - 795 pages
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Edith Soonckindt
Commentaires
jeudi 13 février 2014 à 15h39
795 pages, ça mérite réflexion avant de plonger dedans! j'avais beaucoup aimé comme Dédale "Le maître des illusions" un pavé aussi, mais là, je crois que je vais renoncer...
samedi 15 février 2014 à 11h50
devant ton avis plus que mitigé Dédale je profite encore plus du Maître des illusions dans lequel je suis plongée et que je vous reccomande sans réserves .A noter déjà dans ce premier roman énormément de descriptions, de disgressions page après page serait-ce la signature de Donna Tartt ?
lundi 17 février 2014 à 11h10
Comment un petit tableau, oeuvre très symbolique de Carel Fabritius, va-t-il accompagner un jeune garçon dans les quinze années qui vont suivre la perte tragique de sa maman et la fin de l'enfance ? Un récit qui nous fera voyager de New York à Amsterdam en passant par Las Vegas. Et à chaque fois, notre héros, finalement très attachant malgré quelques surprenants traits de caractère, parviendra à tirer son épingle du jeu, mais sans pour autant faire son deuil et accepter la perte. C'est juste, c'est bien écrit, c'est presque somptueux !
mercredi 26 février 2014 à 16h39
Personnellement, j'ai beaucoup aimé, malgré, je vous l'accorde quelques longueurs dans les descriptions mais qui participent au style de l'auteur. C'est un roman d'apprentissage assez poignant, les personnages sont bien campés, attachants et les rebondissements suffisamment bien dosés pour garder le lecteur jusqu'au bout. Le qualifier de chef d'oeuvre est très excessif mais c'est un très bon roman, avec un univers et une patte. Pour ceux qui aiment s'immerger dans une histoire pendant un bon moment, c'est parfait (sauf que son poids interdit les déplacements...).
Voir mon article complet : http://motspourmots.over-blog.com/2...
lundi 31 mars 2014 à 21h45
On ne peut pas dire que
soit un chef d’œuvre, mais au moins c'est un monument au même titre que la Tour Eiffel.Je suis passée par des sentiments variés et contradictoires au cours de cette lecture : admiration, empathie avec les héros, surtout avec Théo le narrateur, puis lassitude, dégoût, désir d'en finir rapidement et à la fin, de nouveau, un vif intérêt pour l'épisode terminal digne des meilleurs auteurs de thrillers.
C'est un livre qui ne laisse pas indifférent, même s'il aurait fallu élaguer beaucoup de choses.
J'apprécie particulièrement la diversité des lieux et des personnages que Donna Tartt décrit si bien, par exemple l'ambiance d'Amsterdam à la veille de Noël, en total contraste avec les sentiments de Boris et de Théo.
S'il est certain que je ne vais pas le relire dans l'immédiat (et peut-être ne le relirais-je jamais) je suis néanmoins contente d'avoir découvert cette œuvre.
samedi 5 avril 2014 à 20h42
C'est bien cela, Marie Expedit, il aurait fallu élaguer, "enlever du gras" comme disent les écrivains. L'histoire et les personnages n'auraient rien perdu de leur force.
Et puis si cela n'est pas déjà fait, je vous conseille ses deux premiers romans. Et pour ma part, plus spécialement Le petit copain pour, entre autres, la restitution du Sud américain avec son Temps dilaté et lourd, l'ambiance de chaleur humide des bords du Mississippi.
samedi 14 juin 2014 à 19h06
J'ai personnellement dévoré ce roman, que je trouve excellent (en le lisant, je me disais régulièrement que ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un texte qui m'emporte autant, et je ne l'ai pas lâché pendant 4 jours).
Je ne suis pas du tout d'accord avec la présentation (un peu dédaigneuse ?) que Dédale fait de ce livre.
Que l'argument tienne sur une carte de visite me semble être le propre de tout roman, qu'on peut en général rapidement résumer : pour moi, une des forces du livre est justement la façon dont l'auteur nous embarque, dans des lieux divers, avec des moments de fort suspense, et des moments plus lents, qui me paraissent avoir une logique toute littéraire : ainsi en est-il du passage "suspendu" à Las Vegas, et le rythme du récit nous donne, à mon sens, totalement à sentir toute l'étrangeté de ce lieu, et la manière dont il peut contribuer à perdre complètement des individus déjà assez largués. Le récit n'a pas le même déroulement à New York ou à Amsterdam, que dans ce désert écrasé de chaleur, et ça me paraît assez logique.
L'auteur a sans doute mis 10 ans à écrire ce livre, mais elle a effectué un travail de documentation probablement assez important, et j'y ai appris des choses, autant sur les restaurations d'antiquité (et les descriptions ne me sont pas apparues comme superflues - bien que je n'aie aucun intérêt personnel pour ce domaine-là - parce qu'elles servent l'intrigue, et permettent de mieux cerner les deux personnages du restaurateur et de l'enfant), que sur les trafics d'oeuvres d'art et la problématique du faux et des marchés parallèles qui s'y consacrent.
De même, je ne trouve pas du tout que l'auteur tente de nous apitoyer sur l'enfant qui est le héros de l'histoire, elle nous fait, en revanche, entrer dans l'absence de lien tangible au réel que cela a entraîné pour lui.
Par exemple, j'ai trouvé très justes, personnellement, les réflexions sur les voisins, à un moment où l'enfant, choqué, se raccroche à n'importe quoi qui puisse paraître donner un sens à son existence.
En revanche, qu'elle ne se soit pas aventurée à nous plonger dans la vie du peintre ne m'a à aucun moment manqué, il me semble que ce n'est en rien le sujet du roman.Le tableau touche le héros, pour des raisons émotionnelles, et de concordance entre le destin de ce chardonneret et lui-même.
Pour finir, ce roman m'a semblé aussi le reflet de certains aspects de la société américaine : les petites gens s'occupant des immeubles, les flambeurs de Las Vegas, les bandits, les riches amateurs d'art... les personnages sont nombreux et tous intéressants.
"Bref, ce roman (aurait pu être) "a été" un bon moment de lecture"
Et j'ai vraiment du mal à comprendre (bien que la perception d'une oeuvre soit toujours personnelle) qu'on puisse trouver ce roman décevant.