Liberté dans la montagne est le premier roman de Marc Graciano. Il raconte le voyage du vieux et de la petite, les deux personnages principaux de ce roman qui ne comporte aucun nom propre.
Ce roman est situé à une époque et en des lieux indéterminés du Moyen-Âge. Les deux compagnons de voyage remontent le cours d'une rivière sans que l'on en sache véritablement la raison. Pour la petite, ce voyage est une découverte du monde, avec ses merveilles mais aussi ses dangers dont le vieux tente de la protéger. Ils assisteront par exemple à un spectacle d'une troupe nomade et à des joutes équestres.
La plus grande originalité de ce roman réside dans son style,
extrêmement déroutant, voire quelque peu agaçant au début de la lecture.
L'auteur répète très souvent des noms ou des expressions plutôt que
d'utiliser des pronoms et il fait un usage immodéré de la conjonction
et
. Le roman comporte de nombreuses occurrences de mots désuets.
Dans certains cas, des mots plus ordinaires auraient aussi bien pu être
utilisés, mais ces mots ou graphies anciens contribuent à ancrer le roman
dans un passé médiéval. Dans d'autres cas, ces mots surannés font partie
d'une vocabulaire très recherché que l'auteur utilise dans de nombreuses et
méticuleuses descriptions de scènes, objets ou vêtements anciens. Ce n'est
donc pas seulement par son sujet que le roman transporte le lecteur dans le
passé, mais aussi par sa forme littéraire. Il faut à mon avis un certain
culot pour décider d'écrire un livre de cette façon et de s'y tenir
jusqu'au bout !
Je n'avais jamais rien lu qui ressemblât de près ou de loin à ce premier roman. Une fois que j'ai surmonté le choc induit par la forme de ce roman, j'ai pu apprécier le chemin parcouru en compagnie du vieux et de la petite, le chemin étant parfois plus important que ce que l'on trouve au bout du voyage...
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Extrait :
Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. Quelquefois le vieux tenait la main de la petite mais, le plus souvent, il la laissait voyager seule autour de lui. À cette fin, le vieux vieillait à libérer la petite de tout faix. Le vieux veillait aussi à toujours régler son pas sur celui de la petite. Le vieux marchait doucement et quand la petite découvrait une chose inconnue et qu'elle s'arrêtait pour l'observer et qu'elle s'accroupissait sur les talons et qu'en se grattant impudiquement les fesses elle questionnait le vieux, le vieux s'arrêtait aussi. Le vieux interrompait leur voyage et, chaque fois qu'il le pouvait, il nommait à la petite ce qu'elle voyait. Chaque fois qu'il le pouvait, le vieux enseignait la petite sur les êtres et sur les choses qu'ils rencontraient. Le vieux nommait à la petite toutes les choses qu'elle découvrait et, quand il le connaissait, il lui en décrivait l'usage. Souventefois aussi, la petite demandait au vieux l'origine des choses et le vieux faisait toujours l'effort de lui répondre le plus sérieusement et le plus complètement possible mais, quand il ignorait la réponse, le vieux l'avouait à la petite.
Liberté dans la montagne de Marc Graciano - 311 pages - José
Corti.
Commentaires
mercredi 18 juin 2014 à 10h26
J'aime les gros livres denses et j'avais très envie de lire ce roman. J'ai d'abord été freinée, voulant vérifier la signification de certains mots. Puis je me suis laissée aller et j'ai oscillé entre le plaisir et l'agacement. Moments de plaisir quand la musique et le rythme m'ont emmenée avec le vieux et la petite. A plusieurs reprises. Moments d'agacement quand je butais sur des fautes de grammaire qui ne devaient rien au style. Je n'ai pas aimé la fin que j'ai trouvée trop rapide et injustifiée, comme s'il fallait, (enfin!) terminer. Ce livre, un peu prétentieux, aurait à mon avis gagné à être plus court.
mercredi 18 juin 2014 à 13h12
La lecture de ce livre a été, pour moi, un véritable supplice…
Je me suis cru revenu 50 ans en arrière aux heures les plus sombres du Nouveau Roman…
Beaucoup de descriptions, destruction du personnage, approche « behaviouriste », intrigue inexistante…Car il faut bien l’avouer, ce roman est quasiment illisible… Ce « road movie médiéval » où nous suivons le « vieux » et la « petite » dans la montagne, qui remontent un cours d’eau jusqu’à sa source, ne nous épargnera aucun détail de leur errance…
En outre, l’auteur ne nous épargne aucun détail sur les outils, la chasse, la pêche, les plantes, les vêtements et l’équipement des chevaliers… Cette « obstination de la description » se rapproche de la description interminable du quartier de tomate dans « Les Gommes » de Robbe-Grillet.
De plus, ces descriptions se complexifient par l’emploi, de nouveau systématique, de termes oubliés, anciens, évidemment très précis, mais qui ne sont là que pour décorer.
Il faut alors aller chercher le sens de « brousser, cabarer, forlonger, abalourdir, eubage, camail, archiatre, abeausir, achevaler, dosse, ébarouir, faonner, gambison…. » Bien sûr, on en connaît au passage (petite satisfaction, tout de même…) et on se demande si le livre n’a pas été écrit en s’appuyant sur « Le Dictionnaire des mots rares et précieux », avec comme objectif oulipien (mais sans l’humour…) d’en utiliser le plus possible !
dimanche 22 juin 2014 à 20h01
Le récit n’a ni queue, ni tête, ni colonne vertébrale, ni aucun organe reconnaissable, mais le lecteur est censé être plongé dans une hypnose assez profonde pour ne plus s’en soucier.