Au centre de l'ouvrage se trouve la conférence que consacre Annie Ernaux à son histoire d'écrivain. Elle revient sur son arrivée à Yvetot, avec le camion de déménagement, et ses souvenirs d'enfance. Sa scolarité a été très encadrée, dans une école tenue par des bonnes sœurs. Mais elle a été pour elle une source infinie d'ouverture, de nouveaux horizons qui lui permettait de sortir du giron familial. La lecture a notamment constitué un élément fondateur.

Dans cette conférence comme dans l'ensemble de son œuvre, on perçoit le regard de sociologue de l'auteur, influencée par la pensée de Pierre Bourdieu. Elle évoque la séparation entre son milieu familial et la vie qu'elle mène une fois qu'elle part pour suivre des études. A plusieurs reprises, elle souligne la séparation de la ville en quartiers, avec ce centre-ville qui semble parfois étranger.

Outre ses souvenirs, Annie Ernaux parle de sa façon d'écrire, des choix de sujets qu'elle traite. Comme elle l'écrit déjà dans certains ouvrages, elle souligne que son écriture est la plus simple possible -ce qui ne veut pas dire qu'elle n'y travaille pas - afin de rendre son œuvre accessible. Ce style très caractéristique lui est d'ailleurs venu au cours de la construction de son œuvre, ses premiers ouvrages usant d'un style plus percutant.

L'ouvrage est également composé d'une série de photos montrant Annie Ernaux jeune, à Yvetot. On peut également lire la retranscription des échanges avec le public et un entretien avec Marguerite Cornier, qui a consacré une thèse à l'auteur. Un complément intéressant à l'œuvre d'Annie Ernaux, qu'il faut continuer à (re)découvrir !

Autres ouvrages de l'auteur : Les années, La place, L'autre fille

Yohan

Extrait :

C'est l'image d'un chaos que j'ai reçu le premier jour de mon arrivée à Yvetot avec mes parents, à l'avant d'un chaos de déménagement, sur les genoux de mon père, chaos aggravé par le désordre d'une foule répandue partout, empêchant le camion d'avancer, car c'était la Saint-Luc et sans doute la première fête foraine après la fin de la guerre. Je ne sais si cette conjonction de la fête et des décombres est à l'origine de l'espèce d'effroi et d'attirance que provoquera toujours en moi la fête foraine - la fête comme on disait -, aussi bien à Yvetot que plus tard à Rouen, lorsque celle-ci occupait tout le boulevard de l'Yser. Mais ce dont je suis certaine, c'est que cette première image m'a laissé une impression ineffaçable.  

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Retour à Yvetot d'Annie Ernaux - Éditions du Mauconduit - 78 pages