Les personnages principaux sont des adolescents, au premier rang desquels deux garçons (Melchior et Moritz) et une fille (Wendla). Ils sont accaparés par des sujets de leur âge. Outre les craintes de quelques uns, dont Moritz, quant à leur réussite scolaire, c'est bien la question de la sexualité et sa découverte qui sont au coeur des préoccupations. Le ton est d'ailleurs donné lors de la première scène. Wendla demande à sa mère de ne plus porter sa robe d'enfant, mais des choses plus courtes. Les enfants, qui ont 14-15 ans, ne veulent plus de l'autorité parentale arbitraire et tentent de s'affirmer face aux adultes.

Le sous-titre est lui aussi explicite : Tragédie enfantine. Comme le laisse penser le premier terme, tous les protagonistes ne vont pas sortir indemne de cette initiation parfois trop rapide. Il faut bien avouer qu'ils sont isolés, ces enfants. Les adultes refusent de leur raconter les rudiments de la sexualité, et Moritz se demande même comment naissent les enfants. Le silence des adulte face au tabou sexuel est une des causes premières du caractère tragique de la pièce.

Pièce admirée par Brecht et Freud, elle marque une rupture profonde dans la représentation de la sexualité. En faisant éclater les tabous, en montrant sur scènes les ravages intimes du carcan moral et puritain, Frank Wedekind inaugure une voie tout à fait novatrice. Il n'est d'ailleurs pas anodin de que Freud rende hommage à l'aspect précurseur de Wedekind, qui a osé représenter les taboius bien avant l'apparition de la psychanalyse, et dont les propos sont reproduits à la fin de l'ouvrage. En cette période de changement de saison, il est tout à fait judicieux de replonger dans cette oeuvre majeur du théâtre et de la société contemporaine.

Yohan

Extrait :

MORITZ : Je ne peux pas. Je ne peux pas parler tranquillement de la reproduction ! Si tu veux me faire plaisir, donne-moi tes explications par écrit. Rédige, pour moi, ce que tu sais. Que ce soit court, clair, le plus possible, et pendant l'heure de gymnastique, demain, glisse-le entre deux livres. Je l'emporterai chez moi sans savoir que je l'ai. Je le découvrirai, un jour, sans m'y attendre. Forcément, sans le vouloir, je le parcourrai, d'un oeil las... et si tu ne peux vraiment pas faire autrement, tu peux aussi y joindre quelques dessins.
MELCHIOR : Tu es comme une fille. tant pis, c'est comme tu veux ! Et puis pour moi, c'est le genre de travail qui m'intéresse absolument.

eveil_du_printemps.jpg
L'éveil du printemps - Tragédie enfantine de Frank Wedekind - Éditions Gallimard - 107 pages
Traduit de l'allemand par François Regnault