Ainsi commence l’histoire de Hisao le japonais, dont on comprend assez vite qu’il est victime d’une bataille à laquelle il a participé, sans qu’on sache où ni quand elle a eu lieu. On comprend que celle-ci a été un véritable traumatisme pour lui, puisque, outre la soif qui le taraude, des cauchemars peuplent son sommeil, cauchemars et larmes qu’il tente de cacher à sa logeuse, Mme Taïmaki. On comprend aussi peu à peu que, à ce moment de sa vie, il était étroitement lié à un ami, Takeshi, et qu’il pleure la disparition de celui qui lui était plus qu’un frère.

Comme souvent, Hubert Mingarelli ne donne pas trop d’indications sur le contexte de l’histoire : le roman débute par la scène qui voit Hisao laisser partir son train et il se déroule ensuite sans détails inutiles, alternant le récit de Hisao recherchant sa valise, et celui de ses heures difficiles passées dans la montagne à attendre l’attaque ennemie et ses conséquences. L’auteur dit beaucoup plus au travers des sensations de ses personnages : la peur, qui domine, mais aussi la poésie, avec par exemple ce chant qui sort de la gorge de Takeshi, au moment de s’endormir.

Hubert Mingarelli retrouve ses thèmes favoris : l’amitié entre hommes, la communication directe et simple, le contact avec la nature. Comme très souvent, ses personnages se retrouvent entre hommes autour d’un feu de bois, et partagent un repas frugal. On pense à Un repas en hiver pour cette même complicité entre hommes qui ne se connaissent pas, face au danger ou face à la guerre ; après elle, mais avec son lot de traumatismes, ici dans L’homme qui avait soif.
Hisao va-t-il retrouver sa valise et le cadeau qu’elle cache ? Et pourquoi cette pulsion de soif dont il n’arrive pas à se déprendre ? Le voile se lève peu à peu.

Des phrases courtes, un style dépouillé et fluide, et beaucoup de finesse dans ce récit de personnages simples, mais non pas frustres.
Un récit très agréable qui donne envie de mieux découvrir Hubert Mingarelli.

Alice-Ange

Du même auteur : Un repas en hiver

Extrait :

A la pensée de ces cadavres, de les savoir là sans les voir, Hisao se mit à trembler. Ses bras se mouvaient tout seuls, comme sous le froid. Takeshi fredonna un air, sans mots au début. Il fredonnait justement pour se donner le temps d’en trouver. Il aurait pu continuer comme ça, car déjà Hisao, bien que tremblant toujours, se sentait mieux. Rien que d’entendre la voix de Takeshi, son anxiété s’écoulait comme par une brèche, et sa poitrine se desserrait. C’est que dans cette obscurité, le silence pesait sur eux comme une forêt d’arbres morts. Soudain les mots vinrent. La chanson parlait de deux bougies qu’ils avaient volées et cachées. Elle disait qu’un jour ils retourneraient les chercher pour se rappeler combien elles leur avaient manqué. Hisao tremblait toujours, contre ça il ne pouvait rien, mais il se sentait bercé, et heureux d’avoir compris du premier coup de quoi parlait la chanson. Lorsqu’elle fut finie, Takeshi recommença à chanter. Une explosion l’interrompit, mais elle était si lointaine et assourdie, qu’elle en était presque rassurante. Takeshi attendit que son écho soit éteint, puis reprit du début et alla jusqu’au bout.

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L'homme qui avait soif de Hubert Mingarelli - Éditions Stock - 155 pages