Dans cet essai, Stéphanie Hochet montre la place importante qu'occupe le chat dans nos sociétés contemporaines. Mais le chat n'est pas un être homogène, monolithique. Selon les auteurs, les approches, il peut être libertaire, autocrate ou incarner le mal. A travers de multiples exemples et citations, l'auteur nous emmène dans le monde caché du félin.
Le chat est en effet divers. C'est un animal qui a besoin de liberté. Si une porte est fermée, il va vouloir aller là où il ne peut pas. Elle s'appuie notamment sur des citations de T.S. Elliot ou de Pascal Quignard, qui ont mis en exergue cet instinct d'indépendance. Cette volonté de liberté cache également un autre pouvoir : celui de la puissance. Car il n'est pas rare que le chat réussisse à imposer ses vues. Ce n'est donc certainement pas par hasard que chez Rabelais, les hommes de justice, qui détiennent le pouvoir, sont dépeints sous forme de chats. Même chose chez La Fontaine. L'un des exemples les plus frappants, et très bien présenté ici, est celui du Chat botté. Derrière ses dehors malins, c'est bien le chat inventé par Charles Perrault qui arrive à ses fins (en favorisant au passage son maître).
Mais le chat est également séducteur et souvent associé à la féminité. C'était d'ailleurs le cas en Egypte ancienne, où la déesse Bastet, déesse des chats mais aussi de la fertilité, est représentée sous les traits d'un félin. La féminité du chat sert à plusieurs auteurs. Balzac utilise des chattes pour dépeindre la société anglaise dans Peines de coeur d'une chatte anglaise ; Baudelaire aborde la sexualité du chat ; Tennesse Williams utilise l'animal pour décrire les pulsions sexuelles, jusqu'à la folie, de son héroïne dans La chatte sur un toit brûlant. Tous ces exemples, et bien d'autres, permettent de saisir l'aspect de séduction et de fascination qu'exerce l'animal sur les créateurs.
Mais le chat, outre qu'il peut être féminin, peut également être gros, avec là une autre fascination : celui d'un animal paresseux, se prélassant, vivant au dépend des autres. Ainsi peut être considéré Garfield, créé par Jim Davis, ou le Chat de Geluck. Des gros matous, pépères, souvent philosophes, qui regardent passer le monde sans s'y plonger. Reste la dimension mystique du chat. Celle, maléfique, que l'on peut trouver chez Boulgakov, ou celle du chat démiurge comme chez Marcel Aymé.
Grâce à des exemples variés, pris dans tous les genres littéraires, Stéphanie Hochet parvient à faire le portrait d'un animal insaisissable, au regard transperçant. Entre les lignes, on découvre l'histoire du chat, son arrivée dans les sociétés européennes, d'abord de façon utilitariste puis comme animal domestique. On y lit également les relations parfois complexes tissées entre l'homme et le chat, avec par moment l'impression que les auteurs parlent du chat pour ne parler de leurs congénères. Plus qu'un éloge, cet essai remet en perspective littéraire les relations nouées avec cet animal. Essai qui ravira certainement tous les amoureux des chats et instruira tous les mécréants, comme moi, mais donnera dans tous les cas de nombreuses envies de lecture.
Du même auteur : Sang d'encre, Combat de l'amour et de la faim
Yohan
Extrait :
Le charisme du chat serait-il proportionnel à son poids ? La question mérite d'être posée car il semblerait que les matous adipeux représentés dans les livres bénéficient d'une écoute singulière auprès du grand public. Catus gros (précisons : crassus catus) est plus populaire que catus maigre. Sans doute est-ce mérité. Est-ce dû au plaisir particulier que nous avons éprouvé à caresser des animaux ronds à la fourrure soyeuse, un plaisir amplifié par les formes généreuses et cette excessive douceur qui est l'apanage des matous volumineux ? Ne sont-ils pas également plus calmes, plus jouisseurs que les chats efflanqués ?
Eloge du chat de Stéphanie Hochet - Éditions Léo Scheer-Anima - 107 pages
Commentaires
jeudi 8 mai 2014 à 08h11
J'ai beaucoup aimé ce texte où j'ai retrouvé beaucoup de mon chat (et de ce qu'il me fait endurer).
jeudi 8 mai 2014 à 11h44
Yohan tu me donnes envie de découvrir cet essai !