On connaît l’académicien haïtien, pour ses célèbres romans, notamment sur le tremblement de terre à Haïti en 2012. Mais ici, pas de récit, juste des conseils pour rédiger un bon roman.
Car pour écrire on est mieux en pyjama.
On se sent tout de suite en intimité avec quelqu’un qui vous ouvre sa porte en pyjama, même s’il a l’air aussi maussade qu’un temps gris de novembre.

On démarre avec des questions pratiques : Comment écrivez-vous ? Pourquoi ces notes ? Et cette bonne nouvelle, comme pour une naissance : C’est un roman !

Dans ce Journal d’un écrivain en pyjama, on apprend comment débuter une histoire, décrire un paysage ou comment utiliser les idées dans un roman. On y parle de tout : du ton qu’il faut donner, de l’énergie qu’il faut y mettre.
Au passage, on croisera d’autres grands écrivains, qui nous donneront aussi des conseils : Hemingway, Kerouac, Henry James, Melville, Garcia Marquez, Moravia, Roth, Norman Mailer, Yourcenar, Dostoïevski, Gogol et surtout Tolstoï.
Le secret de Dany Laferrière ? Lire, lire, lire.

Attention cependant au critique qui sommeille en vous : il faut laisser l’écriture se faire. Mais être vigilant. Ne pas mettre trop d’adjectifs, ni trop de dialogue.
Sur la question du commencement aussi l’auteur a des recettes. Plutôt que d’écrire une première page, Dany Laferrière vous recommande de réécrire la dernière, en ajoutant quelques phrases que vous n’êtes pas obligé de garder plus tard. Et voilà, le tour est joué. Pour ne plus avoir de page blanche, et apprendre à en salir une.
Chaque paragraphe se termine par quelques phrases lapidaires, sous forme de synthèse.

Les premiers essais étant souvent mielleux, faites-en une version fielleuse que vous publierez quand vous aurez l’âge de dire ce que vous pensez (à lire : Mes poisons de Sainte-Beuve).

Beaucoup d’humour donc, vous l’aurez compris. Mais également des considérations pertinentes, comme cette réflexion sur le temps : L’écrivain (en pyjama ou non) éprouve, au début, une certaine difficulté avec le temps. Il ne s’habitue pas encore à ce rythme de travail qui lui demande des forces additionnelles. Il se fatigue vite et, naturellement, entend terminer le livre avant la fin de la nuit ou du mois.  (..) Le temps du roman rassemble à un cheval fou qu’il ne parvient pas à maîtriser. Le roman peut aspirer toute l’énergie de votre corps – c’est le cas de Proust qui a passé sa vie dans un lit à écrire. C’est le jouet le plus absorbant.
Avec toujours une phrase de conclusion, plutôt lapidaire, comme celle-ci : Ne vous précipitez pas à écrire un livre uniquement parce que le sujet vous semble intéressant. Ce n’est peut-être pas suffisant pour trois ans d’angoisse et quelques jours de fête ici et là.
Ou de précieux conseils, comme celui-ci : Si vous lisez dans le bain, apportez votre réveille-matin pour ne pas rater le prochain rendez-vous, car l’eau favorise la rêverie qui annule le temps.

Un guide d’apprentissage pour tous ceux que le démon de l’écriture réveille dans leur salle de bain.

Alice-Ange

Du même auteur : Pays sans chapeau, Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ?

Extrait :

On doit faire bien attention à ne pas multiplier les adjectifs (c’est une épice qui coûte cher). Si un drap est déjà blanc, on n’a pas besoin d’ajouter qu’il est aussi lumineux. Plus vous ajoutez de qualifications, moins on vous croit. On démasque les menteurs qui, pour convaincre, en font trop. Trop d’arguments provoquent le soupçon. Donnez plutôt l’impression qui vous accordez de l’importance à ce que vous dites. Entre deux phrases longues, vous pouvez glisser une brève. C’est pour le rythme. Le lecteur sent alors que vous maîtrisez la chose. Rien de pire que de trembler au cirque pour un trapéziste. Il doit rassurer le public quant au danger qu’il affronte. On est toujours impressionné par celui qui est économe de moyens. Le vrai riche est toujours bref. Il n’a pas besoin de vous convaincre – ça se voit qu’il a raison. Ne faites pas non plus l’avare. Le lecteur a besoin d’un espace pour s’infiltrer dans le livre. Si c’est trop fermé, il restera à la porte. Mais c’est encore plus difficile quand c’est trop touffu. Prenez une machette, fermez les yeux, et taillez-moi cette broussaille. Enlevez un adjectif sur deux, et vous verrez mieux devant vous.

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Journal d'un écrivain en pyjama de Dany Laferrière - Éditions Grasset - 313 pages