De manière presque habituelle, la nouvelle qui démarre le recueil se déroule près de sa terre de prédilection, la Cornouaille. L'intrigue de Vent d'est se situe sur île du large. Le paysage, balayé par les bourrasques de vent, a un rôle non négligeable dans cette histoire de jalousie conjugale, maladive et meurtrière.

Les relations conjugales sont une autre constante de bien des nouvelles de ce recueil. On peut y lire l'histoire d'un couple qui ne se comprend plus et qu'on voit se déliter au fil de la lecture (Des tempéraments contraires), celle d'un jeune couple dans les jours suivant leur mariage (Frustration). Cette nouvelle, qui raconte les déboires des deux tourtereaux à la suite de la cérémonie, est marquée par l'humour déployé par l'auteur. Les deux amants veulent passer la nuit sous la tente, mais le vent, le vol de leur voiture, la perte d'une alliance sont le point de départ d'une fête totalement ratée. L'humour est également très présent dans Week-end, avec un changement de regard complet entre le début et la fin de la nouvelle. Et les lettres se firent plus sèches narre un autre de relation, sous forme épistolaire : un homme convoite une femme, par des lettres ardentes, puis une fois son objectif atteint, met fin de façon très peu romantique à son histoire.

Du Maurier choisit aussi quelques sujets assez iconoclastes, avec un traitement assez moderne. Deux nouvelles sont consacrées à Mazie, une prostituée londonienne. Elle raconte comment elle est devenue, presque par hasard, en suivant un homme, une habituée des trottoirs de Picadilly. C'est une lueur rouge, finalement, qui lui indique la voie à suivre. Notre Père a pour sujet central un pasteur. L'auteur dénonce ici le comportement détestable des hommes d'église, pris de pitié pour les petits tracas des riches fidèles de la paroisse, mais incapables de faire preuve auprès des inconnus de la charité qu'ils prônent tous les dimanches. Autre nouvelle dérangeante, Le minet. Au cœur du récit, le comportement trouble d'un beau-père auprès de sa belle-fille, qu'il gâte de cadeaux et d'invitations, au grand dam de sa compagne officielle qui comprend bien ce qui se passe, contrairement à la jeune fille, trop ingénue.

Il faut enfin mentionner la nouvelle qui donne son titre au recueil, La poupée. Le personnage principal a pour nom Rebecca (tiens, tiens,...). C'est une jeune femme solitaire, qui cache un secret à ses visiteurs : une porte toujours fermée derrière laquelle se trouve une poupée à la grandeur d'homme. C'est un texte très surprenant, avec une chute à la fois marquante et très moderne dans son traitement. C'est également un récit qui montre la folie que du Maurier peindra plus tard dans son chef d’œuvre. Ces nouvelles de jeunesse de l'auteur anglaise, parue dans différentes revues anglophones, sont une excellente occasion de renouer avec sa veine très particulière.

Du même auteur : Rebecca, Ma cousine Rachel

 Yohan

Extrait (issu de la nouvelle Week-end):

Ils avaient l'esprit vide et imbécile, dépourvu de pensée logique. Parfois elle lui jetait un regard de côté, et il lui vint à l'idée qu'elle adorait la façon dont ses cheveux poussaient sur sa nuque. Elle ne remarqua pas le coup de soleil qui lui barrait le front et qui devenait plus rouge à chaque kilomètre. Il entraperçu sous un béret une boucle sombre qui se tortillait vers le haut exactement comme il fallait, mais ne remarqua pas les plaques de poudre mal étalée sur son nez. Ils étaient amoureux.

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La poupée de Daphné du Maurier - Éditions Albin Michel - 256 pages
Traduit de l'anglais par Marilou Pierrat