Pour Madame Rebernak, son cousin est dangereux. Incarcéré pour le viol de la petite Sonia, elle ne le voit que par ce regard-là. Et peu importe ce que disent les juges ou l'éducateur qui le suit et qui essaie de la convaincre de son caractère inoffensif : elle craint pour sa fille, Clémence, jeune adolescente qui révise pour passer le bac. Elle ne veut pas chambouler l'équilibre familial, si difficile à trouver après la mort de son mari. Elle a dû chercher un travail, son fils est embauché à la station-service et Clémence vit une histoire avec Paul, le fils du notaire.
Alors, elle va tout mettre en œuvre pour se protéger. Bien que Freddy passe son temps à la pêche, elle ne voit en lui qu'une menace. Elle décide alors d'en parler à maître Montussaint, le père le Paul. C'est un ami de la famille : un ancien proche de son mari, avec qui il chassait, un de ceux chez qui elle a trouvé du travail. Pourtant, Clémence est en danger, et personne ne pourra rien pour l'aider.
C'est un court roman mais dans lequel Yves Ravey installe une tension permanente. De l'apparition de Freddy sur le seuil de la porte d'entrée à la scène finale, dramatique et terrible, on lit d'une traite cet ouvrage. Un ouvrage qui par son sens du mystère parfois malsain et par la mise en scène d'une bourgeoisie provinciale se situe dans la lignée de l’œuvre de Claude Chabrol, quelque part entre La cérémonie et Poulet au vinaigre. La tension et l'intérêt de l'ouvrage sont également liés au choix du narrateur, puisque tout est vu ici de façon rétrospective par le fils, témoin souvent indirect des événements qui frappe sa famille. Cette distance dans la narration, ce décalage entre des événements troublants et un narrateur impuissant sont une idée qui rend l'ouvrage encore plus déroutant.
Yohan
Extrait :
Elle lui a demandé ce qu'il faisait tous les jours en face du lycée de jeunes filles, puis, plus tard, au Jolly Café. Freddy a répondu que - et d'une, il avait l'autorisation de Dietrich, et que - et de deux, il ne faisait aucun mal. Mais elle voulait savoir pourquoi c'était autour du lycée qu'il rôdait et pourquoi pas, par exemple, autour des usines.
Un notaire peu ordinaire d'Yves Ravey - Éditions de minuit - 108 pages
Commentaires
mardi 12 août 2014 à 20h01
C'est le prototype du roman noir au service de la pseudo lutte des classes...A la lecture de l'ouvrage de Ravey, on pense immanquablement à la tragique affaire de Bruay-en-Artois de 1972 lors de laquelle le notaire Leroy avait été inculpé du meurtre d'une fillette d'une famille modeste, par le "petit juge" Pascal, militant du syndicat de la magistrature. Et ce, sans aucune preuve sérieuse. Ce fût le procès, en plein XX ème siècle, initié par un ardent défenseur de la classe ouvrière, dirigé contre un symbole de la bourgeoisie, sur fond de misère sociale.
mardi 19 août 2014 à 09h42
Bonjour,
je suis trop jeune pour avoir connu l'histoire du procès de Bruay-en-Artois, donc je ne viendrai pas sur ce terrain. Concernant l'ouvrage de Ravey, je n'ai pas la même lecture que vous. Ici, point de lutte des classes, mais un des protagonistes use de son prestige social pour en mouiller un autre, qui a tout à fait le profil de coupable idéal. Autre élément très différent, la fin de l'ouvrage, qui évoque bien plus Chabrol que la lutte des classes. Je n'ai pas lu ce texte comme une volonté de faire un portrait d'une classe, mais comme l'histoire d'une femme, d'une mère qui a peur pour sa fille et qui ne découvre que trop tard ce qui lui a été caché. Un roman sur la dissimulation, le mensonge et le stéréotype, bien plus sur la pseudo lutte des classes, comme vous la nommez.