Ces deux garçons, elles ne les connaissent pas. Elles les ont vus alors qu'elles prenaient de l'essence. Leur erreur : un sourire. Celui, involontaire de Kristy, qui donne envie aux deux hommes de suivre les jeunes filles. A bord de leur voiture décapotable, elles les distancent très vite. Mais, les jours suivants, elles ont l'impression de le voir roder autour de leur centre.

Ce qui devait être un séjour ludique et sans limite devient source d'angoisse. Rien de très précis mais des impressions, des ombres floues qui rappellent les hommes de la station-service. Pourtant, Desiree refuse de se laisser entraîner dans cette peur et choisit de donner libre cours à ses envies, notamment sexuelles.

Sur fond d'une histoire de jeunes femmes menacées, Laura Kasischke dessine le portrait d'une Amérique pétrie de traditions et d'habitudes sociales. Déjà, il y a le cadre de cette histoire, celle d'un camp de pom-pom girls, au bord d'un lac avec feu de camp, image classique d'une certaine Amérique. Il y a aussi les comportements de ces jeunes femmes, qui profitent des rares moments de liberté pour transgresser, à l'inverse de leur comportement habituel.

Par touche, l'auteur pointe quelques défauts de la société américaine : le manque d'éducation sexuelle notamment, puisque la responsable du camp est obligée d'expliquer aux jeunes filles à quoi sert vraiment la vaseline, souvent utilisée à mauvais escient. Il y a également la nourriture, infecte, que doivent manger ces jeunes filles. L'intrigue, avec un dénouement final dans la ligne de ce que veut montrer l'auteur (ce camp est une parenthèse dans leur vie, et ce qui s'y passe n'est pas à l'image du reste), est un moyen pour Laura Kasischke de mettre en avant les limites de ce qui parait naturel et habituel pour beaucoup d'américains, en interrogeant les codes et les rites de cette société.

Du même auteur : La vie devant ses yeux

  Yohan

Extrait :

J'ai compris à cet instant que ce qu'on dit est vrai - on peut vraiment sentir le regard d'un garçon posé sur soi. Je savais qu'ils étaient là avant même que Desiree me les montre. J'avais senti leur regard - ces rayons chauds qui passaient sur mes jambes et mes seins tandis qu'appuyée sur la Mustang, je léchais mes doigts englués de sel et de caramel. Cette sensation venait d'eux, tiède comme le faible faisceau de la lampe d'un médecin balayant mon corps.
" Putain ! s'exclama Desiree, secouant la tête d'exaspération. Mais leur souris pas, là !"
Est-ce que j'avais souri ?
Oui, je m'en apercevais à présent, puisque le sourire flottait toujours sur mes lèvres. Je regardais toujours vers eux. Le conducteur, celui à la chemise en tissu écossais, s'était penché sur le volant, les yeux écarquillés, souriant lui aussi, croyant à peine à sa chance.
"Bon sang, fit la rouquine, ignore-les !"

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Rêves de garçons
de Laura Kasischke - Éditions Christian Bourgois - 246 pages
Traduit du l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy