Au sein du Bloc, Agnès Dorgelles a pris la suite de son père. Son discours raciste, ultra-patriotique et nationaliste, anticommuniste et homophobe a réussi à s'imposer, après qu'elle a choisi de rendre les interventions du Bloc plus lisses. A ses côtés, Antoine Maynard l'a accompagné dans son ascension. Cette nuit de négociations à la Lanterne lui laisse le temps de faire le point sur son histoire et son parcours : son adolescence à Rouen, ses premiers contacts avec les nationalistes locaux. Puis c'est la rencontre amoureuse avec Agnès, qui scellera définitivement son engagement dans cette frange extrême et souvent détestée (et détestable) de la politique.

Ces années d'ascension sont aussi celle de l'amitié avec Stanko, avec qui il adore faire le coup de poing contre les ennemis (les antifascistes sont une cible privilégiée). Stanko, le leader du groupe d'intervention, dont le sort sera aussi scellé cette nuit. Car une des conditions pour que le Bloc accède au pouvoir, c'est que Stanko soit éliminé. Malgré son amitié pour lui, Maynard ne fera rien pour le sauver. Entre les réflexions de Maynard s'intercale donc la fuite de Stanko face au commando formé de brutes chargées de l'éliminer, brutes qu'il a lui même recrutées.

A travers la transcription de cette nuit politique que je ne peux que souhaiter qu'elle reste de la fiction, Jérôme Leroy imagine ce que pourrait être l'avenir de l'extrême droite française. Même s'il utilise des noms différents, on ne peut que penser à l'histoire du Front National : l'émergence dans une ville entre Rouen et Chartres (Dreux), les conquêtes de mairies suivies d'une faillite politique comme à Lancrezanne (derrière laquelle se cache un mélange entre Vitrolles et Toulon), la guerre de succession au sein du parti, avec la sécession de Louise Burgos ou la difficulté de prendre la suite du Vieux, leader historique handicapé suite à des combats de guerre.

Outre l'histoire politique, le roman donne à lire les méthodes peu glorieuses, voire scandaleuses, utilisées par ce groupe politique. Recrutement de mercenaires serbes ou croates formés par la guerre de Yougoslavie, commando d'intimidations, voire attentats contre les adversaires politiques. La description de la formation militaire du commando dans un château isolé est assez saisissante, et si elle peut paraitre farfelue, elle correspond assez à ce qu'on peut savoir des méthodes de ces partis. L'ouvrage de Jérôme Leroy, s'il ne se distingue  pas particulièrement par son écriture, est un ouvrage qui arrive à ménager le suspens, permettant de découvrir successivement toutes les horreurs des méthodes de ce parti. Il se lit donc de façon assez addictive, laissant le lecteur avec l'espoir que tout ceci reste de la fiction.

Yohan

Extrait :

Bizarrement, c'est le Vieux qui a prévu le premier le scénario du film tel qu'il se déroule aujourd'hui. Pourquoi bizarrement, d'ailleurs ? Le Vieux a toujours été un animal politique d'une intelligence fascinante et d'un instinct rarement pris en défaut. Il avait survécu à vingt ans de baroud avec les Affreux, les mercenaires de Bob Denard, tout en grenouillant dans la galaxie des groupuscules d'extrême-droite qu'il avait réussi à fédérer, on se demandait encore comment, tellement ces gens-là se détestaient entre eux avant le Bloc. Après aussi, d'ailleurs, mais ça se voyait moins de l'extérieur. Quoique son prestige de chien de guerre ayant fait preuve de son anticommunisme les armes à la main, cela lui avait donné un putain de prestige. 

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Le Bloc
de Jérôme Leroy - Éditions Gallimard - Série Noire - 296 pages