Silampa, muni des informations que lui a fournies le capitaine Moya (futur adepte de la secte évangélique « La dernière Cène » qui fait maigrir en faisant lire des passages de la Bible….), commence son enquête. Il va être aidé d’Oslar Estupinan dont le frère a disparu, lequel prend son rôle très au sérieux et va se révéler indispensable.L’enquête passablement embrouillée mène ce duo improbable des quartiers chics de Bogota aux bouges de la ville, de la pègre à la société affairiste du pays : mafieux entourés de leurs gorilles, avocats véreux, politiciens corrompus et promoteurs sans scrupules font alliance ou se trahissent suivant les circonstances, poursuivant un même but : l’argent et le pouvoir. Tout tourne autour d’une histoire de terrains convoités par certains et défendus par d’autres, dont un club naturiste. Silampa et son acolyte pataugent dans ce marécage nauséabond avec une efficacité certaine et finissent par découvrir une vérité que d’aucuns s’empresseront de dissimuler. Dans le même temps, très méthodiquement, Silampa s’applique à finir de ruiner sa vie personnelle.

Si j’ai eu du mal à suivre les méandres et les rebondissements d’une enquête menée à toute allure, j’ai beaucoup apprécié l’humour (très) noir de Santiago Gamboa et la construction malicieuse de son roman: deux narrateurs se partagent le récit, le narrateur omniscient classique et le capitaine Moya qui, s’exprimant à la première personne, présente son dossier d’admission à « La dernière Cène ». Le lecteur un peu déconcerté au début, ne comprend qu’à la fin le pourquoi de cette intervention, qui, bien que drôle, laisse un goût amer…

Même si « Perdre est une question de méthode » n’est pas mon livre préféré de Gamboa, j’ai lu quand même avec intérêt cette truculente description de tout un pan de la société colombienne.

Marimile

Extrait :

La rue des fleuristes était encore plus obscure. Le seul signe de vie, en face de montagnes d’ordures et de déchets, était une porte avec une lanterne allumée. Estupinan sentit alors qu’avec la peur et le froid, son esprit se faisait plus clair et la question jaillit.
-Comment est-ce qu’on va rentrer, Silampa ?
- Passez par où je vous montre, et respirez un grand coup. L’affaire va être rude.
Ils ouvrirent la porte et Estupinan eut une vrais surprise : c’était la cafétéria des croque-morts. Les murs étaient couverts d’inscriptions et de faire-part mortuaires, de dessins qui représentaient les portes du ciel et de l’enfer. D’un vieux tourne-disque jaillissait un refrain : Le lit de pierre. Derrière le comptoir, une enseigne donnait le nom de la maison : Bar-cafétéria de l’Au-delà.
Assis sur des tabourets, des hommes en manteaux noirs buvaient de la bière au milieu des mouches et de la fumée. Une forte odeur de serpillière et de graisse froide leur souleva le cœur. Silampa invita Estupinan à s’asseoir et alla au comptoir, parlementa un moment avec la propriétaire et revint avec deux Bavaria à la main.

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Perdre est une question de méthode de Santiago Gamboa - Éditions Points - 347 pages
Traduit de l'espagnol (Colombie) par Anne-Marie Meunier