Suite à cet événement tragique, elle est renvoyée à son histoire, qu'elle a quelque peu oubliée, consciemment ou non. La vie avec ses parents dans la petite cour, ses voisins, les enfants du gardien. Son accident est l'occasion de renouer avec eux.
Mais le plus marquant, c'est son envie, son besoin d'aller à Berlin-Est pour voir le mur. Elle n'y connait personne, n'y est jamais allée mais son désir est impérieux. Elle prend donc le train, un voyage marqué par la traversée de plusieurs frontières, avec à chaque fois des contrôles plus ou moins poussés. Le moment le plus critique intervient lorsqu'une policière allemande souhaite pratiquer une fouille au corps. Nue, vulnérable, elle a le réflexe d'appeler son méédecin pour échapper à ce moment pénible et douloureux.
Une fois à Berlin, elle fait quelques rencontres, se remémore sa vie, familiale et amicale, alors qu'elle est seule dans cette ville étrangère, dans laquelle la policière est encore toute puissante. Elle va au cinéma, envisage de voir La peau douce de Truffaut (une peau très différente de la sienne) mais sa mélancolie est de plus en plus forte. Elle se promène aussi dans les cimetières juifs de la ville.
Peau vive est l'histoire d'une femme marquée par des fantômes. Fantômes anciens, renvoyant au génocide juif de la seconde guerre ; fantômes de son enfance, avec ses voisins ; fantômes de sa famille, avec des parents séparés, un père taiseux et effacé ; fantômes du contact humain, qu'elle évite le plus possible pour ne pas souffrir. Malheureusement, cette accumulation de fantômes et de failles chez Eve n'a pas fait sens pour moi. En ouvrant beaucoup de portes, Gérald Tenenbaum en oublie parfois en route (la question de son hypersensibilité, très forte au début du roman, s'efface peu à peu, étant finalement assez peu évoquée). L'intérêt du roman réside toutefois dans la description de ce monde pas si ancien mais aujourd'hui presque anachronique, celui d'un monde coupé en deux par un mur avec l'affrontement de deux blocs. Cette plongée dans les années 80 est plutôt bien rendue et est le point vraiment positif de ce roman inégal.
Yohan
Extrait :
- Mais tout de même, elle va finir par se réveiller ?
Par le hasard d'un récent changement de numéro de téléphone et le truchement d'une note au stylo rouge, soulignée deux fois, dans l'agenda d'Eve, c'esst Irène qui a été prévenue la première. Après avoir été embrasser sa soeur endormie, geste oublié, interdit depuis des années, elle a suivi l'interne dans le couloir. La question, elle l'a murmuré comme s'il s'agissait de renseignements intimes et que la demande frôlait l'inconvenance.
Peau vive de Gérald Tenenbaum - Éditions La Grande Ourse - 233 pages
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